09 juillet 2006

Ainsi mentent les hommes

Il y a dans "Ainsi mentent les hommes" quatre façons de vivre et subir l'existence : Humiliation, Remords, Mélancolie et Solitude. Dans chacune de ces histoires, les personnages sont soit tiraillés de prendre parti entre un père ou une mère, comme dans les deux premières nouvelles, ou victimes de duperie, dans les deux suivantes.
Il y a une cassure dans l'élan narratif entre Humiliation & Remords et Mélancolie & Solitude. Dans les deux dernières, on assiste presque à un pastiche de roman victorien, quand une ingénue de seize ans se laisse abuser par un beau parleur, sous l'influence lointaine de préserver une vertu irréprochable, histoire de ne pas ressembler à sa "mauvaise" mère... La dernière nouvelle est très intéressante également, mais plus touchante et révoltante. Quand une vieille petite dame, Mrs Tevis, vient remplacer la femme de ménage pour moins de dix jours chez Alice Arnold, le couple bourgeois n'aurait jamais pu supposer la couche secrète de ce qu'il prenait pour une supercherie radotée avec le temps.

Quand j'ai commencé la lecture de ce livre de Kressmann Taylor, je m'attendais à de nouvelles illustrations de fourberie orchestrées par des enfants ou des jeunes adolescents, comme l'annonçait la quatrième de couverture. Un peu comme le recueil de Julie Orringer. Pourtant ça n'y ressemble pas. Au début, je m'y approchais : un jeune garçon se voit partager entre le désir de plaire à son père, l'archétype du mâle qui trime toute la semaine pour élever un toit convenable pour sa famille, et celui de ne pas décevoir sa mère, douce, souriante, confiante et prophétesse sur les mystères de la nature, des poissons notamment. Plus intensément dans la deuxième histoire, un gamin vit dans une ferme, dans un coin assez conservateur, ses parents sont des gens de la ville, diplômés de l'université, et pourtant ce garçon est le souffre-douleur de son professeur d'histoire, qui l'abreuve de sarcasmes au point de faire rugir une envie de meurtre et de violence.
La façon d'écrire chacune des histoires est limpide et sensible. Le portrait du couple Tevis, notamment, est honnête et touche en plein coeur. A tout moment, on ressent beaucoup d'affection pour les protagonistes, trop souvent blessés par les affrontements, les "petites choses de la vie" (je pense à Stella Tennant dans "Mélancolie" dont l'histoire est douce, cruelle et ironique à la fois). Ces textes avaient été publiés dans les années 50, ceci pouvant certainement expliquer ce petit côté "charme désuet" dans sa peinture si parfaite de la société de l'époque. J'ai, par exemple, aimé le portrait d'ouverture de l'épouse dans son potager sous l'oeil légèrement méprisant et agacé du mari, le gouverneur du foyer ! La peinture est si invraisemblable !Mais dans ce livre vous trouverez forcément un instant, un personnage qui parviendra à vous toucher à un moment ou un autre. J'en fais le pari !

Autrement, 125 pages


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