09 juillet 2006

Livre lu et relu

« Le ravissement de Lol V. Stein était le seul livre qu'elle emportait partout, et toujours, depuis, elle le relisait, le recommençait, le reprenait à son début avec à chaque fois la peur du livre inconnu, la peur de la déception, la peur de l'ennui. Elle le relisait comme on lit un livre nouveau, passionnée, inquiète, et à la dernière page, elle pleurait, et avec les pleurs elle revenait à la première. Elle relisait avec un regard neuf, différent, et relire lui apportait la croyance d'une mort qui ne viendrait jamais, à cause de ça, à cause des mots sans cesse répétés avec la voix intérieure, la voix muette, la voix conquise, inventée, désirée. La voix du livre. La voix d'une femme qui lit le livre, cette voix dont le ton est celui-là même en accord parfait avec l'écriture, qui ne rompt pas le rythme, qui dit les phrases comme la vie, de cette voix toujours identique.
Il arrive parfois que l'on trouve un fossile dans la pierre et du bout des doigts on en caresse le relief. Il y a sur la pierre la marque de l'éternel et de l'immortel, pérennité du livre écrit, du livre relu. Jusqu'à la mort. Il n'y a pas de mort possible dans le livre qui continue de vivre après la mort des mots, après la dernière phrase, pas de mort possible à ça quand le livre est repris du début. »
Août, Sophie Lasserre – L'Arpenteur.


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