11 juillet 2006

Claire Castillon

J'ai découvert Claire Castillon par la lecture de ce roman et j'avoue avoir été séduite sur le champ. J'ai trouvé qu'elle avait une manière très particulière de traiter ses sujets : elle mêle la puérilité à la dérision, le martyr à la jouissance... Bref on hésite souvent à savoir si ces personnages se font souffrir par plaisir, si leurs douleurs sont des caprices ou des peines sincères. C'est donc tout un embroglio qui est épatant ! L'héroïne de "Je prends racine" n'est pas une version française de Bridget Jones, non ! C'est une pauvre fille pathétique à qui il n'arrive que des déveines, mais on ne peut s'empêcher de sourire car on se demande si franchement elle ne les cherche pas ou ne les provoque pas un peu ! C'est tout un jeu de remise en question sur la sincérité et la perversité qui est drôle. Claire Castillon est une jeune femme au grand talent !

J'ai donc suivi mes lectures de Claire Castillon avec "Le grenier" qui exacerbe les passions : est-ce un roman ragoûtant, dans l'air du temps, touchant ou désespéré ? Bref, ouvrez ce livre et prenez la confession de son héroïne telle qu'elle vous convient. Une chose est sûre : l'indifférence n'est pas au rendez-vous ! Qu'on soit ému ou éberlué, on se pose des questions sur la folie latente de la jeune femme. Doit-on tout absorber de l'être aimé pour obtenir de lui son amour absolu, son retour au bercail et sa fidélité à tout jamais ? C'est certainement excessif mais c'est une volonté de taper du poing sur la table. A la manière d'une gamine prête à bouder : regardez-moi, je m'éteins à petits feux ! L'auto-destruction de la jeune amoureuse frôle très souvent l'insensé et l'inconscience, mais est-ce après tout une façon de moraliser ce roman ? Je ne crois pas que Claire Castillon tenait spécialement à engendrer un tolé moralisateur sur la psychopathie de son héroïne. Après tout, elle met en scène une jeune femme fragile, écorchée et qui se bousille pour mieux se sentir vivre. Bon, c'est une approche tordue et détournée... mais c'est percutant et ça touche le lecteur, donc je crois que c'est signe d'un potentiel littéraire ! A suivre ...

Bon, "La Reine Claude" est le roman qui m'a le moins emballée dans ce qu'a publié Claire Castillon jusqu'à présent. J'étais déçue. Sans doute mon attente était trop grande, puisque j'avais de plus en plus apprécié l'auteur au fur et à mesure que je lisais ses romans. Dans "La Reine Claude" j'ai trouvé que c'était brouillon, confus et presque noir. Proche de la mélancolie et du désespoir. Cette fois-ci, ça semblait terriblement réel. Je n'avais pas l'illusion du second degré, de la subtilité moqueuse qu'elle usait auparavant. Je me suis sentie happée par cette marmelade, la lettre d'une amoureuse pour son homme, présentateur célèbre de tv, qui est atteint d'une tumeur au cerveau. Une lettre d'amour pour un homme qui abuse de son charme télévisuel, ce qui fait souffrir en silence la jeune femme, etc. Bref là j'ai moins adhéré et j'ai été déçue. Sentiment trop proche de la noirceur, d'une descente vers les abîmes, et sensation d'une confusion générale du début à la fin. Bref ... Après ce roman, Claire Castillon quittait les éditions Anne Carrière pour signer chez Fayard où elle produira l'excellentissime "Pourquoi tu m'aimes pas?" !

Comme toujours chez Claire Castillon, le style est cruel, jamais pathétique, les personnages sont des êtres vicieux, mais jamais tordus. Ici, le héros est donc vicieux, cruel, intelligent.. bref une tête à claque très attachante. Pour lui, l'amour coule de source. Couvé par sa mère depuis son enfance, il n'accepte pas d'être bafoué par son père et décide de se venger. Mine de rien. Pris dans l'engrenage, il va grandir en croyant pour acquis l'amour d'une jeune fille, qui bien sûr ne l'aime pas. Mais pour notre héros, c'est impensable... Un roman dérisoire, cruel mais assez drôle ! Qu'on aime ou pas, ça vaut le coup d'oeil !

"Vous parler d'elle", c'est parler d'une jeune fille sans nom, qui parle d'elle à la première personne. C'est une enfant qui se réfugie sous le toit de sa maison, sous le toit de son enfance. De là, elle se cache et guette les bruits dans la maison. Et tour à tour elle va dégainer une litanie de souvenirs, de désordres réels ou imaginaires, de songes, de désespoirs. Bref, on ne sait plus trop si l'on est dans le vrai ou l'irréel. C'est ça le problème. Cette jeune fille parle de sa famille : une maman chérie qui travaille à la pharmacie, en habit de bourgeoise et les ongles peints de vernis. Un papa que sa soeur et elle se disputent l'amour absolu. Un petit frère qui souffre d'une paralysie du palais et ne peut plus parler pendant des années. Et puis il y a aussi les amours, essentiellement le Menteur. Et de cet homme, elle souhaiterait s'en débarrasser, régler ses comptes et se montrer la plus forte.C'est bizarre, à la fois bouleversant et dérangeant. L'univers de Claire Castillon est bizarroïde, on s'aime trop fort, on se venge par coups bas et on se déteste à vie. On ne pardonne rien, jamais, et puis on s'en veut, on supplie d'être pardonné, en rampant. C'est proche de la perversion, mais c'est écrit en toute innocence. Comme si on n'y pouvait rien et qu'il fallait s'en excuser.En somme ce roman, c'est la libération de cette narratrice de ses vieux démons, ses "pouilleries" comme elle dit. Elle les dépose, s'en débarrasse. Trop contente car ils l'habitent depuis trop longtemps. Et trop, c'est trop. Au lecteur, donc, de s'en saisir et de les prendre, les porter, mais ça ne leur ira pas car ce sont celles d'une autre. Evidemment.


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