09 juillet 2006

Les lettres

Je n'affectionne pas les histoires à tendance sentimentale, j'éprouve vite un sentiment de lassitude et d'ennui. Chez Edith Wharton, ses histoires baignent tout autant dans ce sentimentalisme rébarbatif, pourtant l'auteur arrive à contourner les clichés sirupeux ou, du moins, sait merveilleusement en jouer. Elle jongle avec le cynisme avec une rigueur, une facilité et un brio époustouflants !
L'exemple se démontre une nouvelle fois avec cette nouvelle, "Les lettres", extraite du recueil "Le fils". L'histoire tourne autour des méandres amoureux de Lizzie West, jeune américaine de 25 ans, institutrice sans le sou dans cette campagne française. Elle travaille chez le couple Deering, tandis que l'homme tourne en rond dans son atelier de peintre, à la quête de l'inspiration foudroyante, l'épouse est alanguie à l'étage, aborbée par la lecture de romans quelconques. Lizzie tente de parfaire l'instruction de la petite Juliette mais la tâche s'avère délicate. Un jour, les sentiments entre l'innocente préceptrice au coeur pu et l'indolent peintre pétri de dignité basculent en un élan d'amour d'une noblesse affligeante. Et c'est là qu'on s'amuse, qu'on remercie Edith Wharton de prendre à la légère ces élans du coeur, de qualifier cet état de grâce en "une envolée de rêve sur un escalier céleste" ! Il y a une mesquinerie dissimulée chez l'écrivain, celle d'épingler la rigidité des sentiments et des rapports humains chez ses semblables. Elle s'amuse, nous aussi. Elle peaufine une magnanimité chez ses personnages, loin d'être crédible ou tolérable pour le lecteur contemporain. Bref, après moults rebondissements, Lizzie fait un succinct travail d'introspection de son coeur, à se questionner les limites de la loyauté et d'honnêteté chez l'homme et chez elle. Comme souvent chez Edith Wharton, l'héroïne adopte une droiture exemplaire, se conforme à un fol idéalisme, un peu vain, pliant presque l'échine à une douce nostalgie dépassée. Chez l'auteur, très peu de cris, beaucoup de larmes (amères) et un sourire mystèrieux, un regard perdu et vague pour conclure !...Du grand art, ça s'appelle !
Folio 2 euros, 90 pages


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