09 juillet 2006

Tatiana par Karine


Dans la famille de Rosnay, demandez la fille. Par Karine Tuil

Elle porte le prénom d’une héroïne de Pouchkine, un nom aristocratique et un physique racé de grande bourgeoise anglaise. Mais la romancière et journaliste, Tatiana de Rosnay cultive ses ambiguïtés en écrivant des livres. Dans la famille de Rosnay, on connaissait le père, Joël, célèbre scientifique qui avait révolutionné nos habitudes alimentaires en publiant son best-seller la Malbouffe, on regrettait l’oncle, Arnaud, véliplanchiste surdoué disparu tragiquement en mer il y a vingt ans, on admirait les courbes parfaites de Jenna, la tante par alliance, championne du monde de windsurf. Il faudra désormais compter sur la fille, auteur de huit romans dont le dernier Moka vient de paraître chez Plon – l’histoire d’une mère dont le fils est renversé par un chauffard et qui voit ainsi sa vie basculer dans le fait divers sordide. Tatiana de Rosnay est une longue liane aux cheveux grisonnants (qu’elle refuse de teindre), une épouse exemplaire et une mère comblée (qui écrit des nouvelles érotiques sous pseudonyme), une belle femme BCBG (qui écoute Marilyn Manson), une journaliste caustique (qui écrit des « livres sinistres ») et qui affirme : «Je ne suis pas un auteur intello, je ne vise pas les prix littéraires, j’écris pour divertir ». Dans ses romans, des maris trompent leurs femmes et ne le regrettent pas (Mariés, pères de famille), des femmes trompent leurs maris et le payent cher (Spirales), des voisins vous veulent du mal (Le voisin) et des fantômes (juifs) vous empêchent de dormir (La mémoire des murs). Son modèle ? Daphné du Maurier : « En France, elle a une image ringarde de mémère désuète, ce qui est une injustice totale » dit-elle, pince-sans-rire. Elle a longtemps travaillé pour Vanity Fair dont elle était la représentante à Paris : « je suis tombée enceinte et j’ai dû être alitée alors j’ai commencé à écrire. » Des livres légers, puis plus graves. Des articles de presse pour Elle et Psychologies. Et des scénarios pour la télévision.En la voyant, si distinguée, en se laissant bercer par son timbre de voix qui trahit ses glorieuses origines, on a du mal à l’imaginer au temps de ses années Punk où, toute de noir vêtue, les yeux charbonneux, ses cils arachnéens recouverts de trois couches de mascara, les cheveux coiffés en iroquois, elle arpentait les couloirs de l’université d’East Anglia, en Angleterre. « J’ai encore trois trous dans l’oreille » dit-elle en nous montrant un lobe parfait orné d’une perle ivoire. « Je suis rapidement redevenue une fille de bonne famille », nous rassure-t-elle ; quelques mois plus tard, elle était embauchée chez Christie’s en tant qu’attachée de presse : « j’ai retrouvé mes mocassins, mes jupes droites et mon serre-tête. » De sa mère, une beauté anglaise, elle a hérité de cet humour piquant typiquement anglais. Son père, un baron français, lui a transmis le goût de la liberté : « je suis une franglaise pure souche avec un zeste slave très puissant légué par ma grand-mère paternelle qui était russe, donc un étrange mélange de flegme et de sang chaud. » Et de sang chaud, on ne manque pas chez les de Rosnay : « Nous sommes de grands danseurs ». Comment déceler dans ses romans, drames psychologiques à l’atmosphère noire et hitchcockienne, la fantaisie familiale ? Des membres de sa famille, elle dit qu’ils sont « farfelus » : « Mes parents ne nous nourrissaient que de bicher muesli et de légumes, les gens venaient dîner chez nous en traînant les pieds ». Ils dansent, rient, font des blagues au téléphone. Mon frère qui est banquier n’aime rien tant que se cacher dans les placards ». Toutes les belles lignées y ont leurs cadavres.Et si, comme Alexandre Jardin, le meilleur sujet de Tatiana de Rosnay était sa famille…

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