11 juillet 2006

Hubert Mingarelli

1. Une rivière verte et silencieuse
En me plongeant dans ce roman, j'ai pensé instinctivement à la récente lecture du dernier Joel Egloff, "L'étourdissement". Il y a une résonnance chez l'un et l'autre : un monde démuni, dévasté, un homme, un fils et le rien, le vide autour... Apprendre à survivre, presque. Mais jamais de morosité, d'abattement. Aucune hargne. Non, rien du tout. Le père va tondre les pelouses pour quelques billets. Il espère obtenir des pousses de rosiers grimpants dans des petits pots de confiture. Il prie soir et matin. Il conte à son fils un temps pas si loin où il pêchait des truites bleues à la main. Et se souvient aussi de cette autre ville où la rivière était verte et silencieuse.
De son côté, le fils, Primo, rencontre un chien noir qui s'excite sur sa jambe. Du coup il prend un autre chemin qui lui fait découvrir un monde nouveau, le sien, son territoire, son tunnel entouré de hautes herbes, là où il s'imagine acheter un bras de rivière et un pont pour observer les poissons dans l'eau. Le père et le fils sont seuls, où est la mère ne semble pas être le problème. Ils vivent à deux, même sans électricité, même sans gazinière. Ils mangent des tomates, s'éclairent avec des bouts de chandelle et se parlent le soir, dans leurs lits, d'une possibilité d'une autre vie...
"Une rivière verte et silencieuse" est un roman très simple, surtout illuminé par son écriture, par le style d'Hubert Mingarelli. Le monde décrit n'est pas enchanteur, pas glauque non plus, car les deux personnages nous offrent une leçon de vie remplie d'espoir et de rêve. Rien n'est impossible, juste d'y croire, de marcher des heures, de fermer les yeux et de prier en s'excusant. Magnifique !

Seuil, 124 pages. Existe aussi en format poche.

2. Hommes sans mères
Deux hommes débarquent dans un pays sans nom pour une permission, après des mois passés en mer, affrontant tempête et cohue, cohabitation, manque de sommeil, etc... Homer et Olmann ont décidé de ne pas suivre le reste de l'équipage et d'aller plus au centre du pays, au coeur de la vallée, vers une maison où ils pourront tranquillement boire, manger, se prélasser et prendre du bon temps avec des filles. Homer sera séduit par Maria, par sa fraîcheur et sa gentillesse, même si elle pose beaucoup de questions.C'est le cinquième livre que je lis d'Hubert Mingarelli et je suis toujours éblouie par le style, la brillance, le ton impeccable, qui n'use aucun mot en trop. Cette fausse légèreté cache bien évidemment des sentiments forts, tordus et complexes entre deux hommes, comme souvent dans les romans de Mingarelli. Là se faufile un personnage féminin, Maria. A la fin, je lui attribue une aura de mystère face au retournement de situation : intriguante ou innocente... Les femmes finalement n'ont pas leur place chez cet auteur !Mais qu'importe ? Hubert Mingarelli ne s'embarrasse pas de détails, de descriptions. L'homme s'attache à la mer (dure et cruelle), aux hommes (virils et solitaires) et également à la beauté d'une vallée, isolée, seulement troublée par une rivière limpide et ronronnante. Autre force : les dialogues, concis et efficaces. Ils tracent le cadre, les personnages, le manque d'action mais affinent les contours et percent les façades.Du titre, "Hommes sans mères", finalement on se sent libre de l'interpréter et de jouer sur le sens "mer" / "mère". Cela revient au même, et les hommes n'en sont pas moins désemparés, écorchés mais noués à elle ! Tout ça pour un roman très classique, très net, impeccable !

Le seuil, 160 pages. Ou en poche chez Points.


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