11 juillet 2006

Voix sans issue

Trop éblouie par la critique enthousiaste de Paul Auster dans la magazine lire, je me suis jetée littéralement sur le roman de Céline Curiol, pleine d'attentes. Trop d'attentes, certes ! Car j'ai vite éprouvé un sentiment de désarroi à suivre le récit de cette narratrice, sans prénom, sans âge, sans visage. Une fille seule, paumée, amoureuse d'un ami qui vit déjà une fraîche histoire d'amour avec un Ange. L'idée était alléchante, du moins prometteuse, mais quelque chose pêche dans ce roman : un peu trop plat, je pense. Et aussi ce sentiment d'être mis de côté, de ne pas être happée dans l'histoire, de ne pas être touchée par cette narratrice. C'est froid, hasardeux et un peu trop sur-vendu (un attaché de presse comme Paul Auster, pour un jeune écrivain, pour un premier roman, quelle aubaine !). Trop, finalement ! Le livre est plus banal que fascinant !
Actes sud, 253 pages.

A lire, la critique parue sur le site A-Voir A-Lire, dont les grandes idées se résument ci-dessous :
(...) A l’instar de ce que l’on ressent à la lecture de ce premier roman, l’héroïne de Céline Curiol n’est pas de ces personnages auxquels on s’attache de prime abord. Cette jeune femme, annonceuse à la gare du Nord mais dont le lecteur ignore le nom, dérive dans un Paris contemporain. A la recherche de l’homme qu’elle aime et qui l’aimera (quoi qu’elle semble finalement avoir relégué ce dernier point au second plan), elle erre dans une ville dont les mille visages finissent par former un masque indéchiffrable. A l’écoute de ses sensations, mais pas forcément de ceux qui l’entourent, entreprenante lorsqu’elle suit chez lui un inconnu croisé dans la rue, insolente dans des dîners mondains, muette avec ses collègues, hantée par une scène de son enfance, "Elle" se fait de plus en plus insaisissable au fil des pages. Au risque de perdre le lecteur en cours de route.
Et c’est hélas ce qui se passe. "Elle" largue tout derrière elle, y compris le lecteur. Mais, étrangement, le décrochage n’est jamais total. En dépit, des agacements que peut susciter l’écriture diluée de Céline Curiol, l’empathie du personnage agit comme un aimant. Impossible d’abandonner en cours de route parce que ses réactions imprévisibles sont autant d’espérances de changements. Cette jeune femme est en devenir, à l’image peut-être de la plume de Céline Curiol. (...)

Mais aussi la critique de Paul Auster sur le site de Lire :
" J'ai eu le grand privilège de pouvoir lire le manuscrit de Voix sans issue de Céline Curiol, avant sa parution chez Actes Sud. Ce livre remarquable annonce l'arrivée sur la scène littéraire d'un nouveau talent considérable. C'est non seulement l'un des plus beaux premiers romans que j'ai lus depuis de nombreuses années mais aussi, tout simplement, l'une des œuvres de fiction les plus originales et les plus brillamment exécutées parmi celles de tous les écrivains contemporains que je connais.
Ce qui distingue le livre de Curiol, c'est sa surprenante fluidité et sa maîtrise ordonnatrice d'une multiplicité d'effets stylistiques. Le lecteur se trouve à la fois dedans et dehors, immergé dans la vie intérieure du personnage central et pourtant intensément conscient du monde qui entoure cette femme dans sa dérive à travers un Paris contemporain qui n'est que trop réel, une ville qui pèse sur elle d'un bout à l'autre du roman avec toute la force d'un rêve. L'essentiel du récit concerne les aventures de cette jeune femme qui n'est pas nommée, mais Curiol a un sens du détail si acéré, une telle exactitude dans le rendu de l'univers où baigne son personnage que, même si la narration est concentrée sur les actions d'une seule personne, elle nous offre en même temps une image lumineuse de la société française en général - une France nouvelle, celle de ce vingt et unième siècle commençant.
La beauté de l'écriture de Curiol est faite de grâce et d'économie, de vigueur, de compassion et de fréquentes touches d'humour. Elle nous attire dans son livre avec toute l'assurance d'un conteur expérimenté et quelques pages suffisent pour nous donner l'envie désespérée de savoir ce qui va arriver à son héroïne obsédée et poignante. L'acuité psychologique de Curiol est étonnante. Sans le moindre sentimentalisme, elle explore les recoins les plus obscurs de l'âme de cette femme et réalise le portrait exhaustif d'un être humain - un individu aux contradictions et aux élans multiples, un personnage qui combine le tragique et le comique d'une façon rarement égalée dans la fiction récente. "

Traduit de l'américain par Christine Le Bœuf.

Voix sans issue - Céline Curiol


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