11 juillet 2006

Cookie Allez

1. La soupière

C'est l'histoire d'un couple étrange qui vit replié sur lui-même : Bernard et sa mère Marie. Fils indésirable ou non désiré, Bernard a toujours reproché à sa mère, humble couturière, leur vie médiocre et recluse. Aujourd'hui, à cinquante ans, Bernard continue de vivre auprès de sa mère, homme solitaire, taciturne et vieux garçon, il travaille aux Urgences, il se passionne pour les puzzles, entretient quelques liaisons charnelles de peu d'importance, c'est toujours un mauvais fils, il ne déteste pas sa mère, il ne l'aime pas non plus, ils vivent ensemble, c'est tout.Mais la mère est vieille, grabataire. Dans le voisinage on commence à s'étonner de ne plus la voir. Et puis, dans cette maison cossue des années 30, Bernard semble ériger le salon tel un mausolée. Alors, la Marie, morte ou zigouillée ?.. La passion du puzzle a-t-elle débordée chez cet esprit à la limite dérangé ? Et cette fameuse soupière, obsédante, qui trône sur le manteau de la cheminée, ne renferme-t-elle pas un esprit vengeur ? Celui de Marie, justement ?

Une nouvelle fois, Cookie Allez distille les doutes, les inquiétudes. Elle met en scène un couple impossible. Elle introduit la mesquinerie du voisinage, les potins et le souffle mesquin des commérages. L'ensemble fait mouche et mitonne dans cette "Soupière" telle un délice de soupe à la grimace ! Honnêtement, un bon petit roman, pervers, ironique et vengeur.

Buchet Chastel, 139 pages

2. Le ventre du président

Dans un immeuble cossu du 16ème arrondissement, débarque la vague d'une rumeur excitante : le Président de la Compagnie Générale emménage au septième étage, dans deux appartements. Travaux, mystères et intrigues deviennent les lots quotidiens pour les résidents de l'endroit, des voisins à la gardienne, chacun se prête à rêver de l'opportunité d'une telle venue ! Et puis, Henri Montalban débarque, sans tambour ni trompettes, discret, affable et soucieux de préserver son intimité. Or, trop de protection attise la curiosité, les cancans et les supputations.

Et pourtant, jamais le commun des mortels ne pourra deviner ce que cache le Président derrière ses murs ?.. Une créature épatante, attachante et attendrissante... Amélie ! La compagne du Président, sa déraison, son tourment, son addiction ! Pour vivre heureux, vivons caché ? Le peut-on ? Cookie Allez le démontre dans ces 126 pages d'histoire tordante, ahurissante, sympathique et touchante. "Le ventre du Président" figure parmi ces romans qui ne paient pas de mine, qui s'avalent en deux coups de cuiller à pot, et qui ont l'effet bénéfique d'un élixir vitaminé !

Buchet Chastel, 127 pages

3. L'arbre aux mensonges

"L'arbre aux mensonges" ou l'histoire d'une famille qui raconte des sornettes... Il y a d'abord un lieu, Le Cour-Mareuil, qui ressemble à un chateau où la bourgeoise famille Chevrier vit claque-murée, repliée sur elle-même et loin du monde extérieur. Ensuite, le roman s'ouvre sur l'enterrement de Magdeleine Glorieux, soeur de l'épouse d'Hubert Chevrier, la belle-soeur donc. Portrait : Magdeleine était une femme impétueuse, plein d'entrain et de tempérament, qui a fait son entrée dans la famille, un beau matin, sans crier gare. Avec elle, un tourbillon a forcé les portes du Cour-Mareuil. Bernadette (épouse d'Hubert) n'est en fait que la demi-soeur de Magdeleine, née d'un second mariage. Entre elles deux, l'affection n'était pas débordante. Bernadette s'enfermait dans une dépression qui la dévorait et Magdeleine lui reprochait amèrement de lui avoir pris sa place (c'était elle que Hubert avait souhaité épouser à la base mais ce projet avait été rejeté par le patriarche). A l'écart de ce monde d'adultes, il y a aussi les quatre filles des époux Chevrier, dont le tort est d'être nées .. des filles ! Pas étonnant, ces petites sont des êtres transparents, chétifs et bientôt ravagés par les éléments familiaux. Car Blanche, l'aînée, est radicalement fascinée par sa tante fantasque mais mystérieuse. Après l'enterrement, Blanche (désormais seule dans son grand chateau) découvre les journaux intimes de Magdeleine. Des brefs passages qui commentent trente ans d'une vie où on se demande qui, véritablement, est passé à côté de cette existence !.. Blanche, elle, semble se contenter de cette vie en pointillés, sans qu'elle cherche à comprendre les sous-entendus de Magdeleine. Heureusement la seconde partie du roman va nous éclairer sur les dessous des habitants du Cour-Mareuil. Et quel narrateur!.. Là je n'en dirai pas davantage pour éviter de briser l'élan de surprise et d'étonnement !
Je n'arrive pas à m'avouer conquise par cette histoire, pas de cette manière qui coule de source et ne se pose pas de questions. Je crois que la plume de Cookie Allez m'a parfois pesée. Cette manière trop ampoulée de conter des détails sommaires ou abracadabrants ont rendu la lecture parfois gonflante. On a de temps en temps l'impression de tourner autour du pot, de mettre des gants de soie pour dire une chose toute simple. C'est plaisant à petites doses, mais imaginez une partie de 110 pages à cette sauce... Bof. C'était le premier roman que j'ouvrais de cette auteur, par la suite j'ai lu "La soupière" et "Le ventre du président" - deux romans qui m'ont davantage convaincue !

Buchet Chastel, 190 pages

4. Le masque et les plumes

Fidèle lectrice des romans de Cookie Allez, je me faisais une joie toute personnelle de découvrir ce nouveau livre. Or, "Le masque et les plumes" n'a pas su me conquérir et j'en suis déçue. C'est l'histoire d'un professeur de lettres classiques, Atilio Cereghetti, qui enrage de ne pas être reconnu pour ses talents de plume. Il décide alors de prendre un pseudonyme, Lucas Malley, et d'écrire un roman dans l'air du temps. Naît ainsi sous sa plume le personnage de Camille Monterastelli. Une jeune lycéenne qui fait fondre le coeur de son professeur, Luc. Et cela ne cesse de s'emmêler, entre le réel et le fictif, chacun prend la parole et revendique une part d'existence tangible. Jusqu'à la compagne d'Atilio, autrement dit Jeanne, qui se voit incarnée dans le roman tantôt sous les traits de la sibylline Camille, tantôt sous l'épouse de Luc (Simone).Le roman trace ainsi les rouages de l'écriture, de l'achèvement du roman, du paraître d'écrivain, du milieu littéraire, de l'éditeur aux dents longues, etc. Il s'attarde également sur l'isolement du romancier, tiraillé entre lui-même et son pseudonyme. C'est un énorme chassé-croisé d'imaginaire et d'authentique. Chacun y perd son latin : Jeanne est repoussée, Camille souffre d'être dans l'ombre, Atilio n'est plus, obnubilé par Lucas qui veut briller en société et vendre des livres !Quelle bouillie ! De plus, l'auteur a franchement trop usé de poncifs et de tournures ampoulées pour son histoire. Cette manière d'écrire est une marque de couture chez elle, signature qui régale dans ses premiers romans ("Le ventre du président" et "La soupière"), mais cette fois-ci j'étais gavée, lassée. J'ai lâché quelques sourires à l'évocation du lectorat "actuel", celui qui achetait les livres, la cible des romans dédiés aux voyages en train, ou aussi l'exigence éditoriale d'un vent sulfureux et d'érotisme dans le roman contemporain... Mais ce n'est pas suffisant. Et puis, tous ces clichés deviennent usités à la longue. Donc, pour moi, ce fut un roman décevant, flottant et brouillon.

Buchet Chastel, 220 pages


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