23 juin 2006

Madame se meurt - Florence de Baudus

Je reprends le résumé au dos du livre : Une famille ordinaire, c'est-à-dire différente de toutes les autres. Dans une maison de campagne normande où enfants et petits-enfants se retrouvent pour le week-end de la Toussaint, Madame se meurt. Or, Madame a un secret.
Est-ce celui de sa fille aînée, Aliette, restauratrice de tableaux anciens, qui souffre d'avoir rompu, pour accomplir ce qu'elle croyait être son devoir, avec l'homme qu'elle aime ? Est-ce celui de sa fille cadette, Claire, journaliste dans une radio chrétienne, si parfaite dans une existence apparemment sans faille ? Est-ce celui de sa petite-fille, Véronique, qui a fichu le camp de chez elle pour s'installer chez son copain Nicolas ? Ou celui de sa petite-fille, Delphine, qui se réfugie dans l'anorexie et voudrait fuir une vie qui ne l'intéresse pas ? Ne serait-ce pas celui de ce moine, supérieur général de son ordre, écrivain célèbre, qui débarque dans la maison alors que personne ne l'attendait ?

Et les conflits prennent corps. Tandis que Madame, qui se meurt, continue, dans son coma, de jouer un rôle essentiel. Au bout de cette longue veille de deux jours et deux nuits qui va permettre de poser toutes les questions, la vérité s'imposera, une vérité imprévisible certes mais qui permettra le pardon mutuel.

--) Je ne m'attendais pas en ouvrant ce roman à une telle étendue de références en la croyance chrétienne et la foi religieuse ! Pour cela, je m'avoue franchement déçue car je suis d'habitude bonne lectrice des trames autour des secrets de famille. Mais ce roman se noie dans l'importance des références théologiques, tellement centré autour du Personnage d'un moine, dom Thomas, auteur d'un livre sur son parcours monastique. Il débarque sans avoir été annoncé, au pitoyable instant où l'aieule s'écroule la tête première dans sa marquise au chocolat. Branle-bas de combat chez les héritiers, maman se meurt, Madame est en sursie, plongée dans le coma. Aussi, cet homme, arrivé à l'improviste, étonne et jure par ses discours et prises de position sur la vie après la mort, sur la communion des corps, sur l'abstinence et la fidélité, bref sur l'ensemble des préceptes divins. A l'idée, vers la page 140, que cet homme pourrait être un imposteur, mon intérêt sursaute. Tiens donc... L'un des personnages de cette maisonnée aurait décrypté le livre de cet auteur, puis découvert le journal de sa grand-mère et donc deviné un secret chez ce moine. Il faut remonter à la jeunesse de Madame. Ces révélations semblent bouleverser son enquêtrice, qui se rend compte d'un monde nouveau - à croire ! Les couples ne sont pas fidèles, les prêtres cachent des engagements troublants et dubitatifs... Dans quelle société ce roman se plante ? Je me suis sentie égarée par ces bigoteries et exaspérée par les faux semblants. Nous sommes en l'an 2000, les filles flirtent et batifolent, les mariages ne sont pas forcément heureux, le recours au divorce est possible ! Que diable ?... J'ai plus d'une fois eu le sentiment que cette famille était obsolète, que leurs histoires étaient creuses, notamment l'anorexie d'une jeune fille, à quoi sert cette anecdote ? Ce petit monde tourne en rond dans ce roman très morne et insignifiant.

268 pages, Editions du Rocher

Plus marine que la mer - Claire Fourier

Plus marine que la mer - Claire Fourier
"Plus marine que la mer" est à la fois un journal, des lettres d'amour, un hymne à l'éclosion des sentiments, du désir, de l'attente... Claire Fourier se met dans la peau d'une jeune femme de quarante ans, Viola, qui fait la rencontre de Chris dans une salle des ventes. Aussitôt troublée, Viola compense l'excitation par l'écriture. Elle rédige des lettres qu'elle range dans un tiroir, soupire après cet homme inaccessible, puis par l'annonce qu'il en aime une autre, bref Viola est finalement plus amoureuse de l'idée de l'amour. Elle n'hésite d'ailleurs pas à encenser le principe de chasteté, équivoque à la sensualité selon elle ! Autour de Viola, il y a aussi les portraits de proches, comme Fritz, le pilier sécurisant, Sophie, l'amie fleuriste. Elle comprime aisément des échanges amoureux, des propos philosophiques, des débats littéraires et des élans poétiques de haute envolée.

Ce que j'en retiens, c'est que c'est parfois trop long, 300 pages pour dire l'amour, l'attente, le désir, l'isolement et le sang revigoré dans sa maison isolée en Bretagne... C'est également bourré de références à la littérature, à Nietzche et à la poésie. Claire Fourier est avant tout poète plutôt que romancière, d'ailleurs "Plus marine que la mer" est loin d'être un roman. Cela s'adresse plus aux passionnés des mots, des tournures stylistiques et des réflexions sur les sentiments qu'aux attendus des histoires solides et concrètes. Dans ce livre, ça butine pas mal, et plus de concision aurait été davantage apprécié.

Un extrait : "Commencer un amour, rien de plus facile. Au bout de quelques jours, je ne sais déjà plus par quel bout le prendre, l'amour ! Tellement peur de commettre un faux pas que je saute à pieds joints dans le faux pas ! A peine je vis les choses au présent que les voilà passées. N'ai plus qu'à remonter de la fin lamentable au commencement charmant. Jamais su couler avec le fleuve. La réflexion n'est pas une source de bonheur, ah là, là non ! Même, c'est le malheur par excellence (quoi qu'en disent les philosophes) ! Dès que j'aime, je me mets à examiner l'amour. Le meilleur moyen de l'assassiner ?".

Le serpent à plumes, Motifs, 320 pages

21 juin 2006

Personnages désespérés - Paula Fox

Otto et Sophie Brentwood sont un couple marié, d'une quarantaine d'années, habitant un pavillon cossu d'une banlieue bourgeoise, sauf que le spectacle dans la rue oscille par moments à la débauche (vagabonds, vomissures, déchets, etc.). Ils n'ont pas d'enfants mais une mercedes et la collection complète des oeuvres de Goethe. Leur histoire vascille suite à la morsure d'un chat errant, Sophie lui offre de la nourriture, compatissante, le caresse et tente de l'amadouer, en souriant, presque fière d'elle de son acte de grande humanité, et puis, frappée "de stupeur et d'horreur", elle manque s'écrouler, étouffe un cri... Le chat a planté ses dents dans le dos de la main !

Cette morsure produit un effet cataclysmique dans le couple, révélant fêlures et zones d'ombre. Otto s'est brouillé avec son associé, et ami de longue date, Charlie Russel, pour cause de conservatisme aigu. Sophie repense à son amant, Francis Early, se fâche avec une amie célibataire, reçoit un coup de fil anonyme, peine à se motiver pour traduire un roman français, pense écrire une lettre à sa mère... Trois jours passent, dans un suspense assez morbide : Sophie a-t-elle attrapé la rage par ce chat errant ?

"Personnages désespérés" est un roman solidement construit, aux dialogues incisifs, aux détails permanents dans la prose et la structure du texte. Paula Fox s'attarde sur le couple Bentwood, homme et femme. Même si l'intrigue semble tourner principalement autour de Sophie, l'époux n'est pas mis de côté, il est même un élément incontournable dans l'émergence des drames (si l'on exclut le chat, bien sûr). En trois jours, le couple s'analyse et la fin semble réparatrice, du moins, on aime à l'imaginer, mais ce n'est pas gagné !

Je vous recommande également de lire la préface de Jonathan Franzen, une fois le livre fini. J'adhère complétement à son analyse du roman et du couple des Bentwood. Seul point divergent, une réplique, celle de Sophie qui s'exclame: "Mon dieu, si j'ai la rage, je suis semblable au monde qui m'entoure!", Franzen l'associe à du soulagement quant à moi je penche pour de la fatalité... A vous de voir !

Joelle Losfeld, 194 pages

20 juin 2006

La maîtresse de mon amant - Maggie O'Farrell

Lily rencontre Marcus lors d'une exposition et tombe sous le charme de ce jeune architecte. Peu de temps après, elle répond à sa proposition de co-habiter dans son loft londonien, consciente de l'attirance qu'il exerce sur elle. Mais en visitant l'appartement, "quelque chose lui conseille de partir, de partir tout de suite", un étrange malaise la gagne quand elle découvre toutes les affaires de l'ex petite amie, Sinead, parsemées dans le loft, dans sa chambre, etc. Pourtant Lily accepte. Elle tente de faire sa place dans cet endroit étrange, où régne une ambiance inquiétante, faite d'apparitions, d'illusions d'optiques, de disparitions d'objets ou de symboles. Que cache cet appartement ? Qu'est devenue la mystérieuse Sinead ? "Elle n'est plus parmi nous"... renseigne Marcus, de manière tout aussi énigmatique. Morte ? Intriguée, Lily ne cache pas non plus son anxiété et son inquiétude. Cette femme la hante - chez elle ou dans la rue. Elle veut en avoir le coeur net, percer le secret de ce passé.

Après un démarrage délicat, histoire de m'habituer au style d'écriture, aux minutieuses descriptions, j'ai vite été gagnée par une impression d'angoisse. Les troubles dont sont sujets la jeune héroïne sont étranges, on y croit dur comme fer ! Quand l'histoire s'installe finalement, la deuxième partie lève le voile sur ses mystères, devient révélatrice de drames "communs". Pourtant l'histoire continue de dérouler son fil, laissant franchement pantois le lecteur. Certes, on aurait pu s'attendre à plus de retentissement mais le roman ne manque franchement pas de rebondissements et se lit de façon très agréable. Une bonne histoire, flippante, presque banale, mais efficace et très bien romancée.

10-18, 360 pages


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