18 août 2006

L'apocalypse sans peine - Christine Avel


Christine Avel avait déjà publié un premier roman, "Double foyer", et signe avec "L'apocalypse sans peine" son premier recueil de nouvelles. Le livre se compose de 12 textes qui peuvent déconcerter à la première lecture (je pense aux premières). Puis vient l'histoire de "Et pour ta mère, c'est non" qui réhausse d'un seul coup l'intérêt : un couple est tenu prisonnier dans sa voiture par une bande de babouins dans un parc animalier. C'est très drôle et assez grave, la tournure penche vers le glauque et le grincement de dents. C'est d'ailleurs le sentiment général, un semblant de dérision, de fatalité, puis un lâchement de réserve. Le texte qui donne son nom au recueil est également fort intriguant, il parle d'un homme qui découvre que le soleil va mourir dans quatre milliards d'années et décide d'agir au plus vite avant la fin des Temps. A noter aussi : "L'odeur" qui pousse un couple à se séparer à cause d'un remugle entêtant dans l'appartement. Bref, un joli petit condensé de phobies, de terreurs, d'obsessions, de menus cataclysmes et de sabordages à échelle humaine. Pas mal intéressant à lire, ou à découvrir si l'auteur n'est pas encore connue.

Le Dilettante - Paru le 18 août 2006.

16 août 2006

Passage du gué - Jean Philippe Blondel

Un jeudi d'octobre 1986, Myriam rencontrait Fred sur un air de Martha Davis. Instant de grâce : le jeune homme est sous le charme. Or, Myriam partage sa vie avec Thomas, jeune cadre dynamique. La vie passe... Fred, Myriam et Thomas deviennent un couple à trois, indissociables. Ils s'aiment à leur façon, un peu à la Jules et Jim, mais ils ont une histoire à eux, beaucoup plus nuancée pour être contenue dans une case. Impossible à juger. Simplement, ces trois-là sont des statues de cire qui ne se parlent pas ouvertement. Ils s'observent, ont des fantasmes, des attirances, des envies, des manques, des frustrations, et dans le fond ils se loupent. Mais ce n'est pas grave.
Car ce tout nouveau roman de JP Blondel est vraiment tout nouveau, complètement différent de son style habituel et de son créneau "petite madeleine de Proust" (raconter sa vie sur le souvenir d'un objet ou d'une chanson). "Passage du gué" est un roman beaucoup plus impudique, tout en demeurant sur sa réserve. Il aborde un sujet plus délicat, plus subtil. C'est une démarche osée pour l'auteur, il pénètre un territoire épineux qui concerne les relations entre homme ou femme, il aborde le désir, l'attente, la convoitise. Il se met dans la peau d'une femme et exprime le vide dans son ventre. Il met en lumière l'ambivalence des amitiés masculines. Il devient aussi le lien de transition, celui qui passe le témoin, chasse la souffrance, pousse les souvenirs vers leur sortie. Chez Blondel, on parle alors de la "mémoire des corps", c'est une notion raffinée qui concerne une relation intuitive et instinctive, maniée très intelligemment.
Ce roman a tout pour charmer, troubler, émouvoir et bouleverser. Il vise des contrées secrètes. Il place le lecteur en état de grâce. A aucun moment, on ne peut deviner ce qui va arriver (et on ne doit pas le dire). Et ces trois personnages, Fred, Myriam et Thomas, on les prend dans nos bras, on les aime, on leur souhaite qu'ils s'aiment à fond, qu'ils s'en sortent. Leur histoire n'est pas finie et tout lecteur gardera une place dans son corps en souvenir...

Paru chez Robert Laffont depuis le 17 août 2006

Les liens défaits - Christian Authier


"Les liens défaits" est le deuxième roman de Christian Authier, qui semble étrangement être une continuation à "Enterrement de vie de garçon" et appelle le suivant ("une si douce fureur"). Dans ce livre, le narrateur évoque son ami Christophe qui a lâché prise, un jour. L'écriture de ce livre permet donc de recomposer les éléments de cette débâcle, pourquoi cet homme séduisant, charmeur et ivre de l'existence a subitement perdu pied dans son quotidien. L'auteur y consigne donc quelques détails depuis la rencontre avec Christophe, leur folle jeunesse, l'appétit d'un monde meilleur, vainqueur, pas bourgeois, bref des valeurs fantaisistes et utopistes. C'est donc une radiographie d'une époque, celle des années 80 à nos jours. C'est le dépôt de bilan. Au fur et à mesure que la société change, bouge et évolue, Christophe et son ami ont également manqué de repères. Toutefois, chez le premier les signes se sont manifestés ouvertement : pessimisme profond, dégoût du travail, rupture conjugale, envie de rien, de plus rien du tout ! "Nous étions des déplacés, des exilés de l'intérieur. Nos papiers d'identité certifiaient une existence qui se dissolvait chaque jour un peu plus dans un bain d'acide. Beaucoup connaissaient ce sentiment d'être un étranger dans son propre pays. Combien éprouvaient cette sensation de perte et d'effacement comme Christophe ? Mon ami était-il l'avant-garde d'un mouvement plus vaste bien qu'invisible ou bien un garçon d'autrefois, un archaïsme absurde ? Un précurseur ou l'un de ces derniers dinosaures promis à la disparition ?". Livre plutôt amer et diffus, moins séduisant que les autres livres du même auteur, mais que je conseille cependant si l'on apprécie tout particulièrement Christian Authier : sa plume est incisive, élégante et ses histoires parlent directement au lecteur.

Stock, 158 pages

15 août 2006

Enterrement de vie de garçon - Christian Authier


Il s'agit donc du premier roman de Christian Authier dans lequel il évoque Eric, un camarade rencontré au lycée à Toulouse, et avec lequel une forte amitié s'est créée, jusqu'au décès de ce dernier. "Enterrement de vie de garçon" est ainsi la longue narration d'une époque, d'une connivence extraordinaire entre deux types partageant la même passion pour le cinéma, par exemple. C'est un roman, et pourtant cela sonne comme un hommage et une dédicace sur 120 pages à un être cher mais disparu. Christian Authier est né en 1969, il appartient à une génération qui me semble assez proche. Les références, les clichés, les clins d'oeil sont autant présents pour rappeler tout ce bon temps. Et puis, comme pour ne pas oublier, il y a Eric, l'ami précieux, sacré, longtemps atteint d'une grave maladie. C'est, au final, une histoire racontée avec pudeur mais humour, avec dévotion mais discrétion, avec nostalgie mais vibrante d'amour et d'espoir. "Je rêve d'un coeur sec et mûr, simple et fier. Comme un fruit que l'on aimerait mordre. Le mien est une éponge gorgée d'eau grise. Ses battements étouffés donnent un rythme que je n'ai plus guère envie d'accompagner. C'est la nuit et je crois que tout va bien. Oui, je crois que tout va bien." - Pour le lecteur aussi, merci.

Stock

13 août 2006

L'été à Dresde - Philippe Vilain


"Pourquoi faut-il que, de livre en livre, je m'acharne à raconter ma vie, pourquoi je répugne autant à transposer mes histoires en de véritables romans ? Sans doute parce que la fiction - que j'apprécie pourtant chez les autres - me paraît artificielle lorsqu'elle touche à ma propre histoire, sans doute aussi parce que la mémoire, en transformant à mon insu des paroles et des souvenirs, en déplaçant certains lieux et certaines dates, fictionne à ma place l'histoire de ma vie. Je fais donc du roman malgré moi, sans renoncer à employer la première personne comme si je devais toujours m'assurer que les événements ont réellement eu lieu et vérifier qu'ils ne sont pas arrivés à un autre." Philippe Vilain résume en quelques phrases le leitmotiv de "L'été à Dresde" : dans son roman, il y raconte donc sa rencontre avec Elisa, une jeune fille de vingt ans arrivée de Dresde, qui aspire à devenir modèle. Elle est jeune, jolie. Lui a trente ans et tombe fou amoureux. Pour la première fois, il veut se marier. C'est finalement une histoire toute simple d'un couple qui s'aime, avec transparence sur la nature des sentiments, les doutes et questionnements que le trentenaire continue de se poser. Il y a une lente descente vers l'amertume, la déception et l'annonce du manque et de la frustration. C'est une étrange résonnance mélancolique et nostalgique, d'un ton éploré par moments. Mais cela se lit d'une traite et l'élégance du style est enivrante. "D'une certaine façon, écrire, c'est peut-être rester dans l'inconsolation."

Collection L'infini, chez Gallimard, 124 pages.


My PlayList
BestAudioCodes.com