26 octobre 2006

Marie NDiaye


  • Les paradis de Prunelle
Odilon, le garçon, se retrouve tout seul un été. Sa soeur, Prunelle, est emmenée à l'hôpital. Les jours passent sans apporter de nouvelles de Prunelle... Puis un jour, une petite fille qui ressemble à Prunelle est assise sur le banc où vient tous les jours s'assoir Odilon. Cette fillette / ce sosie de Prunelle a les jambes trop longues et ses pieds touchent l'herbe, son visage est pâle et ses mains sont froides.

Cette Prunelle va parler à Odilon de son étrange voyage dans tous les paradis. Elle a découvert des milliers de choses mais elle a toutefois remarqué qu'il manque toujours une chose au paradis. Prunelle tente de l'expliquer et Odilon tente de la comprendre. S'agit-il vraiment de sa soeur ? ça ne lui ressemble pourtant pas... Odilon se sent seul, mêmes ses parents sont distants, effondrés, prêts à fondre en larmes quand on évoque Prunelle... A quoi riment tous ces mystères ?

C'est finalement la tante Peggy qui va aider le jeune garçon, l'écouter, lui parler et lui expliquer comment faire revenir sa soeur. Du coup, ce livre "Les paradis de Prunelle" est une histoire plutôt morose et difficile à expliquer à un jeune lecteur (12 ans au moins est conseillé). C'est un livre où l'on parle de la mort et de la maladie, de perdre un être cher, de l'au-delà et du paradis. Ce n'est pas du tout une lecture légère, du genre qu'on attend pour la jeunesse. Loin de là. C'est froid, solennel, presque brumeux. Qu'on aime ou pas, les illustrations de Pierre Mornet rendent compte de cet univers non édulcoré, presque translucide et phantasmatique. C'est une lecture à recommander pour ceux et celles qui apprécient l'auteur, mais pas évidente pour le public auquel elle était sensée être destinée.
  • Tous mes amis


"Tous mes amis" est un recueil de cinq nouvelles. L'ambiance générale est celle de ratés, aussi bien chez les personnes ou dans leurs actes. Qu'il s'agisse de ballades fantomatiques, de portraits de la misère humaine, de constat d'échec ... Marie Ndiaye nous mène dans sa barque. La traversée est tranquille au démarrage, puis cahotique et mouvementée, pas loin de provoquer la nausée.

La première nouvelle s'ouvre sur l'ahurissement d'un professeur qui ne comprend pas pourquoi sa bonne, Séverine, refuse de le reconnaître. Il était son professeur quinze ans auparavant, en se rappelant combien c'était une jeune fille insolente et effrontée. Aujourd'hui il est toujours "fasciné" par cette personne, se pose des questions sur sa vie, notamment sur son intimité. Mais Séverine est une tombe, elle vient tous les jours faire le ménage, subit les harcèlements de l'homme, mais se tait. Intervient alors un ancien étudiant, Werner, ancien petit copain de Séverine, il prétend être revenu pour elle. Etrange et envoûtant...

"La mort de Claude François", plus drôle et grave à la fois, raconte l'histoire de deux anciennes amies qui se retrouvent. Elles se souviennent d'une promesse faire le jour où la mort du chanteur a été annoncée. Or, avec les années, elles n'ont pas tenu cette promesse et le constatatent avec amertume. Invraisemblable, comique et ahurissant.

Les trois histoires qui vont suivre sont beaucoup plus noires : "Les garçons" (triste et effrayant), "Une journée de Brulard" (brumes opaques entre songe et réalité) & "Révélation" (histoire courte, complexe et qui laisse perplexe). En somme, "Tous mes amis" est une lecture dérangeante, mais sauvée par la magnifique plume de l'auteur.


Les paradis de Prunelle - Albin Michel Jeunesse
Tous mes amis - Ed. de Minuit

22 octobre 2006

Constance Delaunay



  • Autour d'un plat : Avec un titre comme "Autour d'un plat", entre parenthèses "Menus et propos", il faut s'attendre à un contenu très porté sur la nourriture, les plats, les mets raffinés (ou non, pas grave...). Dans ce livre, effectivement, il est question de boeuf bourguignon, poulet aux morilles, poulet au paprika, coq au vin, caviar d'Iran, rognon sauce Madère, fraises Chantilly, sorbets italiens etc... Pour l'assaisonnement, l'auteur met une pincée de sel, de poivre, bref du piquant, du sucré, du doux, du mou, du dur pour relater autour des plats sus-dénommés des histoires fumeuses ! Lesquelles se passent le plus ordinairement possible, au cours de repas funéraires, familiaux, amoureux, d'hôpital, de retrouvailles entre copines, ou de goûters d'anniversaire. Autour de 22 assortiments, donc, Constance Delaunay déploie une verve ébouriffante ! C'est très surprenant sa méthode d'approcher les personnages, les faits, les actes, le théâtre ! Drames intimes, personnels ou domestiques, menus propos, combles de bonheur ou de malchance, réglements de compte ou déclaration sur l'honneur... l'ensemble est vinaigré, corsé à la sauce aigre-douce, et sans matière grasse ! Bref, un régal !



  • Sur quel pied danser : Huit nouvelles sur les différents thèmes comme les rapports avec la mère, le dédoublement de la personnalité, la folie latente, etc. "Sur quel pied danser" est beaucoup plus taquin et malin, titille sans vergogne le lecteur, la narratrice des nouvelles passe volontiers pour une vipère moqueuse qui prend en grippe le métier d'écrivain, le pourquoi d'écrire, le procédé "d'embrouiller le lecteur en présentant une série de personnages", la volonté "de ne pas juger tout en racontant une histoire", et de conclure : "Il faut que je m'en débarrasse, de mes petites histoires, elles se bousculent dans ma tête, elles veulent sortir, les mots sont comme nous, ils veulent à tout prix exister encore un peu, avant d'être chassés de partout, oubliés, expulsés des dictionnaires, oui les mots ont, eux aussi, peur de mourir." ! Savante spéculation, joyeux chamboule-tout... "Sur quel pied danser" est plus pince-sans rien, délicatement doux-amer, en comparaison avec "Autour d'un plat" (autre recueil de nouvelles).

Gallimard



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