21 juillet 2006

Les oiseaux du ciel - Alice Thomas Ellis


Mrs Marsh a bien la ferme intention de passer des fêtes de Noël conventionnelles, chaleureuses et chichement guindées, bref le topo ordinaire ! Mais cette année s'annonce mal, d'abord car depuis quelques mois Mary est revenue à la maison, depuis la mort de son fils Robin. Mary est sombre, mélancolique, elle passe ses journées devant la fenêtre à regarder les oiseaux et la neige qui tombe. Mrs Marsh compte sur son autre fille, Barbara, pour dérider cette sombre atmosphère. Second hic : Barbara débarque avec sa petite famille, son mari universitaire Sebastian, et ses deux adolescents, Sam et Kate, dans un esprit complètement feu-follet. Barbara ne dit rien, mais elle soupçonne son mari d'avoir une liaison avec "La Givre" ! La jeune femme est désemparée, garde son secret, sans savoir que son fils est au courant de l'affaire, et arrive chez sa mère en espérant conquérir Hunter, l'éditeur de Sebastian, et également l'ami de Mary.

"Il n'y a pas que la mort pour faire souffrir les gens"... songe un personnage, au cours de l'histoire. Car ces fêtes de famille vont partir dans tous les sens, empêtrés dans des sentiments de convenance et d'apparence qui ne peuvent être contenus plus longtemps. Les failles secrètes apparaissent, les digues lâchent. Mrs Marsh en tant que capitaine du navire se soucie de l'opinion des voisins, "avec formalisme, mais elle n'a plus la force de s'en émouvoir" ! On le devine à ces quelques passages, le portrait de cette famille épinglée par Alice Thomas Ellis est lapidaire, tendrement ironique et décape la bienséance (qui concerne aussi le milieu très prout-prout de la petite communauté universitaire, en passant). Un spectateur venu des Etats-Unis pose un regard déjanté sur "cette tribu de singes" mais "étant américain, il aime que tous les événements et les situations se résolvent dans la douceur et la réconciliation". L'évolution du roman sous-entend que ce ne sera pas évidemment possible. Plus la soirée passe, plus les catastrophes vont pointer et s'écrouler comme un rodéo de dominos.

Au fond, en décor de théâtre, il y a le drame intime et ravageur de Mary qui a perdu son enfant : on ne sait pas comment, on ignore pourquoi, on doit deviner beaucoup des détails, et pourtant il y a ce choc et l'émotion. Mary est un personnage d'une grande perplexité mais d'une beauté froide et un peu morbide. On ne ressent aucune larme aux yeux en lisant "Les oiseaux du ciel", plutôt on éprouve un plaisir sadique face à cet humour dévastateur, déjà apprécié et remarqué dans la trilogie du jardin d'Hiver.

L'olivier ou Points, 174 pages

20 juillet 2006

Un heureux évènement - Eliette Abécassis


Ma première impression concernant cette histoire a été que j'ai trouvé la narratrice fort excessive ! Depuis le départ, quand elle souligne combien elle était jeune, belle, intelligente et indépendante, puis comment la maternité l'a transformée en un corps défraîchi, une femme aliénée, désespérée, une mère au foyer !!! Il y a une tendance prépondérante à mettre en balance l'avant et l'après, ce que la grossesse dans sa vie de femme a chamboulé, comme si elle lui tombait tel un cheveu dans la soupe. C'était parfois trop ! L'auteur a réuni chez sa narratrice tous les pendants cauchemardesques d'une femme enceinte, même lors de l'accouchement, et n'en parlons pas après !... Jusqu'à la vie de couple de cette Barbara qui est complètement renversée, autant dire que c'est un vrai calvaire du début à la fin !

DONC je tiens à rassurer les futures mamans qu'il y a, certes, du vrai dans cette histoire, mais qu'elle est également poussée à l'extravagance et à la caricature. Quand je regarde ma propre expérience, en la comparant à celle d'Un Heureux Evènenement, bien entendu je souris, je me retrouve ci et là, je me dis la pauvre, décidément elle a tout collectionné, mais aussi ... euh là, c'est un peu poussé le bouchon un peu trop loin. Enfin bref, je conseille de lire ce livre comme un divertissement et un regard très cocasse sur la maternité. C'est très léger à lire, finalement. Mais connaissant Eliette Abécassis, bien évidemment, l'auteur a une fichue tendance à tout intellectualiser, à trop analyser et à se regarder (un peu, trop) le nombril. Aussi, relax ! être mère c'est galère mais quel boulet formidable un enfant !

Albin michel, 222 pages

Equinoxe - Arnauld Pontier



C'est la rage au ventre qui vous prend en lisant ce roman d'Arnauld Pontier, la même que celle qui fait rugir la jeune narratrice, Carine, clouée dans un fauteuil, à demi paralysée, les jambes mortes, le corps complètement mis en échec depuis l'accident qui a coûté la vie à son père. Elle vit désormais seule avec sa mère, leur dialogue de sourds nourrit ce texte du début à la fin. Carine ne peut pas parler, juste griffonner sur une ardoise, mais elle a cette haine dévorante vis-à-vis de sa génitrice. Celle-ci tente de se rassurer, d'accomplir ses gestes de bonne maman infirmière, mais la honte est plus forte, la culpabilité aussi.
La relation entre les deux est prédominante. C'est une relation d'amour et de haine, on ignore exactement ce que ressent la mère mais on devine son abattement. La jeune Carine laisse échapper des traces, des indices. Mais on ne sait qui plaindre dans l'affaire : Carine a cette violence particulière et compréhensible d'en vouloir à la terre entière d'être figée sur son fauteuil. Et puis la jeune fille crève et rêve d'amour, de rencontrer un homme, d'avoir sa dose de sexe, de revivre à nouveau par les yeux d'un autre...
C'est très fort. Le texte nous embarque dès les premières lignes, cela se lit très vite. La boule est au ventre. On tient la main de Carine, on reçoit ses griffes, ses crachats. On comprend qu'elle refuse la pitié. Et les passages sur la disparition de son père sont bouleversants; on conçoit qu'elle s'en veut de verser des larmes, qu'elle se venge sur sa mère et qu'elle ne lui pardonne pas de ses méprises. C'est un roman qui n'est pas larmoyant, tout au contraire ! Il met en lumière le combat douloureux, l'ambivalence du handicap et l'auteur a ce double talent étourdissant : il s'est glissé dans la peau d'une jeune fille, paralysée qui plus est ! J'ai vraiment reçu ce roman comme un coup de poing en plein coeur, coup de boule dans le ventre ! Lisez-le ! ! !

Actes sud, 120 pages


My PlayList
BestAudioCodes.com