26 août 2006

L'imprévisible - Metin Arditi


Guido Gianotti est un professeur de l'histoire de l'art à la retraite, aujourd'hui expert pour les salles de ventes il aide à évaluer les produits des clients. C'est ainsi qu'il rencontre Anne-Catherine Hughes, la quarantaine, belle femme bourgeoise, séparée de son mari, et qui décide donc de vendre un tableau pour fuir tout souvenir. Ce tableau est mystérieux, intriguant, et plonge Gianotti dans un état émotionnel hors du commun. D'abord, le fruit de son enquête va le conduire à des découvertes fructueuses, puis cette rencontre avec Anne-Catherine va renvoyer l'homme septuagénaire à se remettre en question sur sa sexualité dévastée.

"L'imprévisible" est un portrait d'une triste réalité sur la beauté, la séduction et ses mystères. Il parle aussi de ce tableau qui en cache derrière ses couches. On part à Florence, on parcourt les correspondances du peintre Bronzino, on vogue doucement et gentiment sur des territoires élégants de l'art, et des romans autour d'un tableau, d'un mystère à percer, etc. Le procédé n'est plus nouveau, d'autres romans ont brodé sur le sujet. Celui de Metin Arditi fait partie désormais du lot, il est coquet, galant et conventionnel. Plaisant, rapide à lire, ce livre pourra tenter un amateur qui se passionne pour ce genre de littérature.

Actes Sud

25 août 2006

Le cri - Laurent Graff


Le narrateur est péagiste sur une autoroute qui est de moins en moins fréquentée par les automobilistes. Les gens fuient, un drame est survenu mais le narrateur n'en a ni connaissance ni franchement conscience. Autour de lui, gravite une faune étonnante : un gendarme, des auto-stoppeurs, une infirmière et un SDF avec ses deux chiens. Un vol a eu lieu, un cri a retenti, ils sont peu à y survivre. "Le cri" a été inspiré à Laurent Graff après le vol du tableau d'Edvard Munch qui porte le même nom. Il évoque une fin du monde, la fin d'un homme et papillonne d'allégresse dans un univers un tantinet fantasmagorique. C'est très rapide à lire, le personnage nous embarque aussitôt dans sa quête vers la véracité. Et la fin du roman apporte des solutions qui relève le niveau d'une histoire qui parfois empruntait des chemins alambiqués. Plaisant, au final !

Le Dilettante

24 août 2006

Le théâtre des rêves - Bernard Foglino


L'histoire commence dans le Paris 9ème et va se terminer quelque part en Normandie, près de Sainte-Mère-Eglise. Elle se passe aussi depuis la rencontre avec un mage, un esprit africain et sera suivie d'un ancien commentateur sportif dans le lieu-dit sacré, le Théâtre des Rêves, un bistro d'aficionados de football, celui de l'âge d'or (tout ce qui s'est passé avant 1970). Baptiste Flamini, le narrateur, aide les collectionneurs à dénicher les perles rares. Il réunit les articles les plus saugrenus, mais une mission d'abord anodine va finalement le conduire à explorer des zones fort sombres, voir redoutables. Flamini devra fouiller plus loin qu'il ne le pensait. "Le théâtre des rêves" est le premier roman de Bernard Foglino et crée une bien agréable surprise : le ton général est enchanteur, il balance le lecteur dans des contrées fantaisistes. Le genre est à la fois policier, risque-tout et gouailleur. Le héros partage son quotidien entre un écrivain manchot et un travesti tordu. L'enquête est captivante, on y croise sur son chemin des personnages déconcertants; l'ensemble est tout bonnement jubilatoire. A tenter.

Buchet Chastel

Mangez-moi - Agnès Desarthe


Myriam n'a pas d'âge, mais accuse déjà une autre vie derrière elle. Une vie assez mystérieuse, un passé qu'elle préfère ne pas ressasser. Aujourd'hui, Myriam a décidé d'ouvrir un restaurant, Chez Moi, un joyeux bordel de couleurs, d'odeurs et de saveurs. Passés les débuts laborieux, Myriam va s'installer dans sa nouvelle vie, ne pouvant plus rejeter éternellement les fantômes de cogner à sa porter. Il faut faire face : fuir ou se délivrer, Myriam doit agir. Car cette femme assez fragile, marquée au vif par le sentiment brûlant de l'amour, vogue au rythme de son train-train réconfortant. Son chez-elle est un cocon douillet où on y rencontre des étudiantes en philosophie, un saint-bernard dégingandé mais indispensable, un fleuriste amoureux, des rêves hallucinatoires, une bibliothèque nomade, et des notes de musique... C'est aussi le joli monde d'Agnès Desarthe, véritable enchanteresse de la plume et conteuse merveilleuse, lectrice passionnée et qui rend hommage à ces références, comme Alice de Lewis Carroll. Le titre "Mangez-moi" y fait d'ailleurs référence : comme Alice, Myriam n'a jamais la taille qui convient, n'est jamais à la mesure de ce qu'elle entreprend. C'est le yo-yo infernal, le tournis renversant. Mais Myriam va apprendre, notamment la science curieuse de l'amour maternel. Puis de l'amour tout court. Au final, ce sixième roman d'A. Desarthe est tout bonnement enivrant, parfumé d'odeurs alléchantes, sensuel, envoûtant, féérique et chimérique. Ce livre vous ouvre l'appétit, offrez-le : succès garanti !

Extrait : "Buvez-moi" disait l'inscription sur la fiole d'Alice. La fillette a bu et, comme un télescope qui se replie, s'est sentie rétrécir. "Mangez-moi" disait une autre inscription sur le gâteau, Alice a mangé et s'est étirée, comme un bouleau. Trop petite, ou trop grande, ma vie se disproportionne et je ne suis jamais à la mesure de ce que j'entreprends. Comme j'aimerais retrouver ma taille originelle, celle qui me permettrait de me glisser dans le gant du jour et de ne m'y sentir ni au large, ni à l'étroit.

L'olivier, 24 août 2006.

(photo Olivier Roller)

23 août 2006

Le passage à niveau - Philippe Routier

Un soir, dans une 405 vert céladon, Manon est fauchée par un train au passage à niveau 515 dans la forêt de Retz. C'est Guillaume qui conduisait le train et il se sent responsable de cette mort. Mais incapable de se faire comprendre. Sa compagne Alice lui paraît à des années lumière. Le couple était déjà à bout de souffle, ce drame va précipiter la lassitude ambiante. "Le passage à niveau" est le premier roman de Philippe Routier qui travaille à la SNCF. Impossible d'en douter quand on lit les chapitres sur le milieu ferroviaire qu'il dépeint dans sa triste réalité (conditions de travail, réalité du terrain, restrictions drastiques...). Son personnage central, Guillaume, est un trentenaire largement désabusé, qui ne trouve même plus de confort dans sa vie personnelle, intime. Le roman parle de l'usure du couple avec amertume et fatalité. Toute l'histoire est basée sur ce sentiment de drame, de désenchantement et de coup du sort. C'est tout gris, au final. Profondément morose, à flanquer le moral dans les chaussettes. Et si l'on ressent aussi la tragédie, c'est en partie à cause de l'auteur : il a su présenter avec patience ses personnages. La mort des uns ne devient finalement plus un banal fait divers. Très triste !

Stock

Une si douce fureur - Christian Authier


La première rencontre entre le narrateur et Valentine s'est passée six ans auparavant. Les conditions n'étaient pas réunies pour découler à une relation plausible, et les retrouvailles assurent le jeune homme qu'il vient de tomber sur la perle rare, sur la femme de sa vie. Rencontre amoureuse, plénitude sentimentale, sauf que tout n'est jamais rose dans le meilleur des mondes... le narrateur l'apprend à ses dépens. Troisième roman de Christian Authier, "Une si douce fureur" a su m'emballer sur le champ et me convaincre de lire les livres précédents de l'auteur. Il sait raconter une histoire qui a une touche très personnelle et autobiographique.. qui sait ? Jamais niaiseux, ce roman parle d'une relation amoureuse actuelle, ordinaire, avec ses clics et ses claques. De très belles références accompagnent les pérégrinations du narrateur, et aboutissent sur une conclusion toute poétique : "J'ai perdu ma vie à t'oublier et à me souvenir de toi, à te fuir et à te poursuivre" (Octavio Paz). Hymne à l'amour, de bout en bout !

Stock

Puisque rien ne dure - Laurence Tardieu


Un couple se retrouve après quinze ans de séparation, provoquée par la disparition de Clara. L'amour de Vincent et Geneviève était lié par leur enfant, mais en partant cette dernière a tout emporté... Le roman est un message pudique du drame causé par la perte d'un enfant, qui ravage tout. A chacun sa façon de surmonter cette épreuve, à sa manière Laurence Tardieu a su imposer un style simple, bouleversant et sans pathos, même si le sujet flirte bien souvent avec les cordes sensibles. Le thème de la maternité et de la perte de son enfant avait été abordé dans le deuxième roman de l'auteur, "le jugement de Léa". "Puisque rien ne dure" affronte plus franchement les zones d'ombre et de lumière, place le lecteur à la place des personnages. De prime abord sombre, mais jamais mélo, le roman se termine sur quelques notes de poésie fort appréciables. A parcourir, sans retenue.

Stock

Une promesse - Sorj Chalandon


Une maison en Mayenne, apparemment vide, silencieuse et inhabitée, reçoit la visite de sept personnes qui à tour de rôle viennent pour ouvrir les volets, dresser la table, mettre des fleurs, remonter l'horloge, lire de la poésie à haute voix, etc. Cette maison est celle de Fauvette et Etienne. Ce sont les deux âmes sombres du lieu, maintenues présentes par la lampe et les visites. Les mois passant, la promesse faite par les sept amis commence à peser. Le mystère doit s'éclaircir et la parole donnée doit être revue, analysée, corrigée... oubliée ? Pour faire le point, chacun y va donc de sa petite histoire, qui seule suffira à maintenir en vie le souffle de la vie. Tel est donc le propos de ce deuxième roman de Sorj Chalandon, auteur du "Petit Bonzi". C'est une histoire à la fois émouvante et attendrissante, qui met en lumière les rapports d'amitié et les liens sacrés qu'ont su créer le couple de Fauvette et Etienne avec leurs proches. Les rites qu'accomplissent religieusement les uns et les autres répondent à une exigence secrète, un pacte obscur pour retarder le deuil. D'un côté, on pense à des personnages spectraux, d'un autre on lit l'hymne d'une prodigieuse amitié et d'un amour éternel. Ce roman est un mélange bouleversant entre le beau, le sacré mais aussi la maladresse. Il y a, à certains égards, quelques moments d'étrangeté qui pénalisent le lecteur à être pleinement touché. "Une promesse" est un joli roman, joli mais pas stupéfiant.

Grasset

22 août 2006

Les chambres de la mémoire - France David


C'est un roman noir qui s'inspire du "Faucon maltais" de Dashiell Hammett et qui reprend les personnages principaux : le flic Sam Spade, la blonde Brigid O'Shaughnessy, Miles Archer l'assistant de Sam et Effie Perine la secrétaire. C'est une affaire qui se passe à Paris, aujourd'hui : Brigid est emprisonnée pour le meurtre d'Archer. Les journaux des uns et des autres vont tenter de revoir l'affaire et d'élucider un crime sans coupable... Le plus intéressant dans ce roman a été l'alignement à une autre oeuvre (celle de Hammett) mais également à d'autres grands noms de romans noirs et films policiers, plus une plongée dans le travail de Francis Bacon. Son ambiance sombre rappelle un style polar années 50, avec le flic désabusé, le feutre sur la tête et le vieil imper sur le dos; cigarettes, whisky et petites pépés sont remisés. Par contre, ne connaissant pas l'oeuvre de référence, je me suis sentie flouée, manquant de repères pour apprécier "les chambres de la mémoire" complètement.

Le Seuil


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